3/27/2015

Chapitre 17

Tout ce qui est possible 
(partie 1)



Quand je serais plus grand, je serais cosmonaute !
Quand tu sera plus grand, tu sera fidèle à mon image.




Rapport journalier n° 15400 
Message archivé, émis depuis la station Space Equator :
[...] Une furtive aspérité s'enflamme, et brille tel une étoile en perçant l'épaisseur de l'air. Mais le film est inversé. Non, elle ne tombe pas sur terre, au contraire, elle s'élève, s’affranchissant de toute gravité. Plus de haut, plus de bas, rien ne doit arrêter sa course folle. 
Rapidement elle s'approche, et finalement l'image plus net, je m'aperçois que ce n'est pas un débris mais bien une jeune femme. Ses cheveux sont d'un noir profond, alors que ses vêtements sont uniformément blancs. Elle tient fermement une petite boite carrée sous son bras droit. J'ai peur de ce qui pourrait y avoir dans celle-ci. Tous les maux de la terre ? 
Fin du message....


Louise est en colère. Tout devait se passer merveilleusement, elle a tout fait pour ! On lui a accordé la moindre de ses petites volontés, tant qu'elle remédie au sombre problème qui plane au-dessus de la mission Alpha-Discovery. Perché à plus de 100 km, l'une des plus belles suites du palace de l'espace, va lui servir de prison dorée durant quelques nuits. On lui a également réservé une place au restaurant le plus chic de toute la planète, ou l'on peut picorer en totale apesanteur.
Pour l’occasion, elle s'est même acheté une robe de soirée... c'est dire ! Le genre de vêtement qu'elle n'a jamais encore osé porter.

Mais les perspectives de ce cadre idyllique sont balayées d'un coup d'aile, par la personne qui se trouve à côté d'elle... ou plutôt contre elle.

Michal-Uriel de La Serraz est le cadet d'une famille qui a eu "l'opportunité" d'avoir plus d'un enfant. Sachant qu'aujourd'hui, un seul enfant par famille est autorisé, il est donc superflu de préciser que le petit Michal est né avec une cuillère en or dans le bec. Ses parents l'ont sélectionné spécialement pour être un chef-d’œuvre en toute chose... que son faciès sculptural face tomber le monde à ses genoux, que sa voix suave envoûte les cœurs les plus dure, que sa main virtuose surpasse celle des grands maîtres, et que son esprit innovateur lui ouvre toutes les portes.

Enfant, il fut le plus aimé, et le plus pourri-gâté de tous les enfants, tant sa bouille d'ange était irrésistible. Mais c'est vers l'adolescente que les choses se sont corsés. Ses parents ont même essayé de faire marcher l’assurance qu'ils avaient prise avant sa conception, intitulée :"Si votre enfant conforme et approuvé, n'est pas comme vous l'avez rêvé". Mais les petites lignes en bas du contrat, spécifiaient bien que l'entreprise de sélection génétique pouvait maîtriser l'inné, mais qu’ils ne pouvaient pas se porter garant sur les conséquences de l'acquis... car oui, s'ils voulaient un enfant prodige et docile à la fois, c'est vers un robot préprogrammé qu'aurait dû aller leur investissement !


Michal-Uriel était donc un Ado bourré de qualités durement acquise et très variées, toutes aussi attachantes les unes que les autres : narcissique, obtus, fainéant, indiscipliné, vicieux, contestataire, indifférent...
Il ne daigne même pas utiliser les dons que sa marraine la bonne fée de la génétique lui a donnés, comme ultime bravade contre ses parents. Il est le seul maître de son destin.
Il ne brille donc pas par la spectaculaire beauté de ses toiles, mais par son impertinente réussite dans la création d’intelligences artificielles. Une autre forme d'art me direz-vous... car tout créateurs est un artiste dans son domaine.
Adieux donc l'artiste qui sort pour reproduire le grand air, aiguisant sont regard à imiter d'une main légère ce qu'il voit. Et bienvenue le tin flétri à force de vivre dans les tréfonds d'un sombre bureau, pendant que les yeux s'usent devant des lumières virtuelles, et que les doigts pianotes machinalement sur un clavier. Mais il y a une chose que l'on ne peut lui reprocher, c'est qu'il aime son travail, et qu'il le fait bien... tout comme Louise.

C'est peut être cette étrange ressemblance que la jeune femme supporte le moins. A peine avait-elle débarqué dans les locaux d'Al-Industry, qu'on l'avait assimilé à cet énergumène. Mais le pire fut leur première rencontre : Le jeune homme lui fit la cours dès ses premiers mots, et n’arrêta pas depuis, déterminé.
Et malheureusement pour Louise, se débarrasser ce cet individus est impossible, car si elle est la mère du corps des ERIs, Michal-Uriel est lui le père de la structure de leur esprits.

Le sous-directeur Han ne l'a pas envoyé avec elle par hasard ! Il sait bien qu'il n'y a que ce jeune fou de Michal-Uriel pour réussir à dompter la tigresse. Quoi qu'il en soit, il n'est pas le seul à se presser à côté d'elle.

- C'est quoi cette foule ! D'habitude cette station est à peine fréquentée. Oh non... dites-moi que je rêve...

- Rooh, si ce n’est pas beau ma bichette ! Les téléporteurs sont en panne ! On va devoir utiliser la bonne vieille méthode du transport en commun !!!

- Mais comment ça se fait ?!!! Pourquoi il y a autant de monde... et personne ne t'a permis de m’appeler "bichette", Ok ?!!!

- Ok ma lapinette ! Eh bien, ma visière informative indique que c'est à cause d'un certain événement. Il semblerait que les téléporteurs soient saturés par la masse de journalistes qui veulent interroger le seul survivant.

- Le seul survivant de quoi ?

- Mais voyons mon p'tit oiseau en sucre... il faut te tenir au courant un peu. Selon SNI, c'est une mission spatiale qui avait pour but la recherche et l'extraction d'éléments rares sur Dionysos.

L'information ne perturbe pas plus que ça la jeune femme. Pourtant celle-ci bouillonne les poings serrés, pour finalement exploser. Déjà les gens qui les entourent les prennent pour un petit couple en pleine crise.

- ARRÊTE AVEC CA !!! 

- Quoi ? Je n'ai pas le droit de te reprocher "insidieusement" de t'être désabonné à "Swallow News Info" ? Ce n'est pas de ma faute si tu veux rester imperméable à tout ce qui t'entour, ma savoureuse loukoum.

- Graaaah TAIS-TOI ! Tu me suis et tu la ferme !

- D'accord, ma Louisette de nuit.


Rapport journalier n° 15452 
Message archivé, émis depuis la station Space Equator : 
[...] Encore cette aspérité qui s'enflamme, et brille tel une étoile en perçant l'épaisseur de l'air. Et le film est encore inversé. Comme la dernière fois, elle s'élève depuis la terre, s’affranchissant de toute gravité. Plus de haut, plus de bas, doutes directions est vaine, car seule la lumière trace son chemin. 
Rapidement elle s'approche, et de nouveau je m'aperçois qu'en fait c'est une jeune femme. Ses cheveux sont d'un excentrique bleu cette fois, alors que ses vêtements sont noirs d'encre. Elle tient fermement une boite cylindrique sous son bras droit. On dirait une urne funéraire... Mais étrangement cette foi je n'ai pas peur, au contraire... je suis soulagé. 
Fin du message....


Bien sanglé dans l’ascenseur, Louise profite d'avoir été placé bien loin de cette raclure de Michalu, pour admirer le spectacle. Ils ont réussi à prendre un téléporteur puis leur billet en partance depuis le Congo (l'un des cinq ports sur terre) vers l'anneau spatial "Space Equator"... ou un grand dépressif à retardement les attendent. L'ascenseur fuse à une vitesse vertigineuse ! Les paliers se perdent, ne devenant plus qu'une masse floue. Le sol devient le terrain de jeu des fourmis, les nuages une étendu de moutons de poussière, puis au loin apparaît la marche de la nuit, dessiné de façon tellement manichéenne. Leur voyage aura duré à peine 2h, deux merveilleuses heures sans cet affreux pot-de-col, pendant lesquelles elle a élaboré un plan pour s'en débarrasser.

Rapidement, et grâce à sa petite taille, elle se faufile entre les personnes qui sortent de l’ascenseur. Arrivé au dépôt de bagages, elle récupère de dans sa valise, un cadeau qu'elle a confectionné avec soin, le démontre le magnifique nœud qui le surplombe. Son objectif final: se barrer avec l'objet avant que l'horrible Michalu ne rapplique.
Mais si elle a le don de se faufiler, Michal lui a su la voir au loin grâce à sa taille. Il l'attrape par derrière, la serrant fort contre lui pour qu'elle ne lui échappe encore une fois.

- Roooh ma perle des caraïbes... Alors comme ça tu es partie devant pour me faire cette surprise ! Si ce n’est pas mignon... J'suis tout excité maintenant !!! Bon par contre niveau discrétion, t'a un zéro d'office ! Il faudra t'exercer avant la demande en mariage ! La dernière fois au bureau, tu avais fait un meilleur score... j'ai mis plus de vingt minutes à te retrouver. Mais j'te pardonne, l'esquive n'a jamais été ton fort... bon et puis les lieux te sont moins familiers. 

Ne desserrant pas son étreinte, Louise baisse la tête en un souffle. Le plus simple serait peut-être de confirmer ses propres inepties pour mieux le berner ? Qui sait, ça pourrait fonctionner...

- Tsss... Tu marques un point. Je voulais fêter notre première escapade en amoureux, mais c'est raté. Enfin mon chou, j'espère que tu as toi aussi pensé à un petit quelque chose ? Ce n'est pas tous les jours qu'on peut batifoler dans l'espace.

Louise ponctue sa phrase par un affectueux sourire. Le cadeau ne lui est pas le moins du monde destiné, bien entendu. Mais le laisser aller en chercher un en retour, serait une autre magnifique occasion pour s'éclipser.
La reposant sur le sol, il lui répond chaleureusement au coin de l'oreille, jouant avec les boucles de ses cheveux.

- Toujours !... Qu'est-ce que tu dis de ça : Après cette dure journée de travail à tenter de résonner un gars que tu connais ni d'Adan ni d'Eve, tu te diriges vers l’hôtel pour te reposer un peu. Et là, derrière la porte, surprise ! Le bel apollon que je suis, t'attend sur le canapé avec seulement sur lui, un de ces ridicules p'tits nœuds. Hein qu'il est beau mon cadeau ?!

- Oooooh toi alors ! Même pas en rêve !!! Ton cadeau j'le piétine !

Louise se débat et s'éloigne de lui, une belle grimasse de dégoût sur le visage. Michal-Uriel lui, est très satisfait du résultat.

- Ahaaah ma belle ! C'est tellement facile ! Désolé, je ne te donnerais l'opportunité de te substituer. Et pour le déballage de cadeau, ce n'est que partie remise... le boulot avant tout, ça fait partie de l'accord. Eh eh, aller je sais que t'es dingue de moi, avoue... Si je n'étais pas là, ta vie serait bien trop fade.

Ils reprennent alors leur chemin. C'est entre ses dents fermement serré qu'elle lui répond, frustrée de ne jamais réussir à avoir le dessus sur lui.

- Seulement en rêve malheureusement...

A la deuxième tentative, elle le sème en allant aux toilettes. Se cachant dans l'une des cabines pendant plus de 20 min, Louise pense l'avoir à l'usure. Mais c'est sans compter son audace : il va donc lui-même la chercher, en dépit des cris suraigus des femmes occupant les cabines voisines. Histoire de justifier sa présence et les calmer, il affirme soutenir activement son épouse dans sa constipation chronique.

A la troisième tentative, elle réussit à attirer l'attention d'une meute de journalistes. Elle les bouscule en leur disant de laisser passer "l'ultime rescapé de Dionysos". Ni une ni deux, ils sont tous deux encerclés par ces prédateurs en manque d'infos croustillantes. Mais contrairement à la précédente foule docile, ici impossible de se faufiler : C'est un échec cuisant tonné par les rires incessants de Michal, plus qu'amusé de cette soudaine popularité.

La quatrième tentative échoue au sein du dernier anneau de Space Equator, propulsé à plus de 10.000 km/h afin de permettre l'effet "gravité zéro". Arrivé là-bas, on leur donne de strictes directives : Pas de gestes brusques, se déplacer lentement... etc. Car, une fois qu'un corps est lancé dans l'espace, plus rien ne peut l’arrêter ? C'est du moins ce que test Louise à ses dépens, en se propulsant de toute ses forces, loin de son oppresseur. Au début tout allais merveilleusement bien, euphorique comme un petit oiseau qui sort de son nid pour la première fois. Mais le couloir n'est pas infini... et se termine par une immense porte, qu'elle se prend de plein fouet. 
C'est au final la pire de ses tentatives, qui lui déboîte l'épaule et lui  causse d'horribles douleurs.

C'est la tête complètement déconfite, que notre téméraire sauvageonne arrive devant le sas de décontamination, qui donne accès au Parc central. Elle a utilisé toute ses cartouches pour se débarrasser du Michalu, et elle est persuadé que son premier rendez-vous avec Alexandre va, par conséquent, mal se passer. Mais le futur est toujours fait d'imprévus, et c'est une salvatrice alarme qui se déclenche à leur entrée !

Prénom : Michal-Uriel
Nom : De La Serraz
Accréditation : Non autorisé dans ce secteur. Veuillez reculer.

- Ooooh OUIIIII !!!

Louise jubile ! "Sautant" partout, déluré comme un lâché de ballon rempli d’oxygène. Le parc est tout comme l’hôtel ou elle va séjourner : payant et à accès limité. Le tout lui a été payé dans un forfait spéciale, mais pas à Michal-Uriel. Le temps qu'il aille chercher son Pass, elle peut largement prendre la poudre d’escampette. Le jeune homme grimace à son tour... Là, aucun moyen de s'en sortir par quelques pirouettes. Se dirigeant vers l'une des bornes, il regarde du coin de l’œil la jeune femme s’envoler littéralement dans le parc.

L'heure de son rendez-vous avec Alexandre approche, et c'est bien plus sereine qu'elle se dirige à présent vers lui.


Rapport journalier n° 15580 
Message archivé, émis depuis la station Space Equator : 
[...] De nouveau cette chose qui s'enflamme, et brille comme un pulsar fou en perçant l'atmosphère. Et de nouveau, elle s'élève depuis notre planète, affranchie de toute gravité. L'envers de l'endroit n'existe plus, il y a juste son sillon qui délimite une frontière absurde. 
Rapidement elle se rapproche. Elle est presque la même que la dernière fois. Ses cheveux sont d'un excentrique bleu, et ses vêtements sont d'un blanc immaculé. Elle tient fermement un cadeau entre ses deux mains. Un cadeau... cela fait tellement longtemps que je n'en ai pas reçu... et tout ce chemin pour ça. Bien sûr, je lui souris, car je suis heureux. 
Fin du message....