5/05/2015

Chapitre 18

Tout ce qui est possible 
(partie 2)


Car personne ne devait être épargné par les trois Moires. 
Passé, présent et futur... La fileuse, la répartitrice et l'implacable. 
Elles n'oublient ni les hommes, ni les dieux.





Un homme, face à moi me regarde. 
Un paradis luxuriant l'encadre, dans ce qui relèverait plus d'une toile de maître que de la réalité. Une jeune femme aux cheveux azurés flotte vers lui. Son visage est doux comme celui d'un ange. Elle tient un présent, une belle promesse, pour sûr. 
Et malgré cette scène idyllique, l'homme a un regard vide, en décalage complet avec ce qui l'entoure. Vide... Comme l'espace qui me sépare de notre bonne vieille terre.

Car oui, cet homme, c'est moi. Enfin, semble-t-il. Je ne le reconnais pas... je ne me reconnais plus. Et c'est sur cette épaisse et froide vitre que se reflète ce mirage un peu trop parfait, cette vie qui ne me fait aucun écho. Je suis... Déconnecté. Cela fait plusieurs semaines que tous les jours, je viens dans ce parc, pour attendre... attendre quoi ? Un changement, un nouveau souffle de vie pour mon âme, essoufflée, perdue depuis que mon étoile s’est éteinte. 

Cette tignasse bleue, croit-elle que je ne l'ai pas remarquée ? Depuis quelques couchers de soleil, cette rose imaginaire a poussé dans le jardin, ne cessant de mimer patiemment mon attente. Fragile, sa main touche mon épaule, me ramenant de l'autre côté du miroir. Avant qu'elle ne dise quoi que ce soit, je décide de répondre à son geste à ma façon.

- Je me demandais quand vous alliez vous décider à venir. Croyez-vous au destin ?

- Comment ? Le... destin ? Bien sûr que non !

- Pourtant, je savais que vous viendriez... je l'ai vu. Par contre, je suis incapable de dire ce que cette boîte peut contenir. Ça change à chaque fois.

Elle retire sa main et me dévisage : il est clair qu'elle me prend pour un fou. On aurait pu faire mieux comme introduction !


_________________Louise_________________


Je dévisage son reflet, alors qu'il me raconte des inepties. Ses cheveux très courts entoure un visage creux, marqué par de trop grandes doses de médicaments. Plus de barbe, alors que sur toutes ses photos, il en portait une... Est-ce un choix délibéré ? S'affranchir de son ancien physique pour mieux oublier ? Ses yeux sont encore pires, cernés et brumeux, perdu quelque part dans l'oubli. Y a-t-il encore quelque chose à récupérer chez cet homme visiblement détruit ? Sa tenue gris-claire et sobre est celle admise pour les patients privilégiés de HG-Médecine, sur la station Space Equator. Sur sa poche gauche, bien visible, leurs logos... comme pour marquer un peu plus leur bétail au fer rouge.

Un petit quelque chose dépasse de cette poche : un carnet pourpre. Un carnet, dans une poche qui sert principalement d'ornement ? Tout est en décalage avec ce que je sais de lui, sauf ce petit quelque chose qu'il garde prés de son cœur. Certainement le seul vestige de son ancienne vie... J'ai trouvé ! La voilà mon accroche pour recoller les morceaux !

Mais ses paroles me troublent. Quelqu'un l'aurait-il prévenu de ma visite ? Quoi qu’il en soit, rentrer dans son jeu est ce qui me semble le plus judicieux.

- Ça change à chaque fois ? Que pensez-vous que ce soit ?

- Je ne sais pas... Un jour, vous m'offrez le monde, le lendemain, vous m'apportez ses cendres... et finalement, en dernier, un étrange réconfort sans forme propre.

- ... J'ai toujours su que j'étais d'une grande générosité.

Oula ! Eh bien... je savais qu'il était gravement atteint après avoir lu les rapports de son psy, mais je ne pensais pas que c'était à ce point ! Il est complètement illuminé ! C'est forcément à cause des pilules.


________________ Alex__________________


Je me suis complètement grillé à ses yeux, ça se voit. Mais comment expliquer autrement ses visions envahissantes ? La boite de Pandore... L'urne cinéraire... Et le cadeau inconnu... L'Orcha m'avait prévenu, c'est un don rare, mais je ne peux forcer personne à me croire.

- Excusez-moi. Je suis impoli de vous bassiner avec ce genre de choses. Je m’appelle Alexandre.

- Enchantée Alexandre, moi c'est Louise.

Elle me tend sa main. Je la lui serre cordialement. Alors que d’immenses bulles d'eau, privées de toute pesanteur, encadrent son portrait, je trouve la situation de plus en plus étrange. Je n'avais pas parlé à quelqu'un directement depuis bien trop longtemps... et ce simple échange verbale me fait déjà un bien fou. Je m'ouvre un peu plus à ce qui m'entoure, et commence doucement à voir la beauté des lieux : ces formes d'eau géantes navigant avec la grâce d'une méduse, la plupart tachetées par de petits poissons rouges, des milliers de petits Hooks. La végétation abondante sur toutes les parois n'est que courbes et couleurs vives. Ces rideaux de fleurs luxuriant... ces sculptures, ces belvédères et ces colonnades de style romantique. Je me sens m'enhardir.

- Que me vaut votre visite ?

- Vous ne m'avez jamais rencontrée, mais je suis une de vos collèges. Je travaille aussi sur le projet Alpha Discovery, mais dans une autre section. J'ai... appris tous vos malheurs, et... j'ai pensé qu'il était nécessaire de vous remonter le moral.

- Vraiment ? Pardonnez mon cynisme, mais je ne crois plus en ce genre de geste désintéressé. Aujourd'hui, seul l’accomplissement personnel est prôné, et la plupart des gens ne pensent qu'à leur petit nombril.

- Bien... je vais être franche avec vous : votre mise à l'écart sur le projet a eu de sérieuses conséquences sur mon travail. Au début, j'étais très en colère, mais je n’étais pas au courant pour votre situation. J'ai cherché à savoir pourquoi la Terre ne tournait plus depuis votre départ du petit univers d'Al-Industry, et ma colère a laissé place à la tristesse et à la compassion. Vous n'êtes pas le seul à avoir perdu quelqu'un. Rares sont ceux, aujourd'hui, qui goûtent à la perte d’autrui, mais j’en fais aussi partie. C'est pour ça que je suis ici : je sais qu'il n'est pas bon pour vous de rester dans ce trou à rat ! Vous devez aller de l'avant, et continuer ce qui était prévu pour vous.

- Ce qui était prévu... Ha ! La seule chose que je sais, c'est que le monde est fait de certitude et d'inconnu, de constantes et de variables. Je ne suis qu'un homme, et seul Dieu sait ce de quoi est fait demain !

Dois-je croire cette rose solitaire qui me dévoile ses belles épines, et m'assurant qu'elles sont en mousse ?!


_________________Louise_________________


- Justement ! Ouvrez les yeux ! L'un de vos plus grands rêves est devant vous, et il vous attend ! Imaginez, partir vers de merveilleuses aventures intersidérales ! Il vous suffit de le vouloir assez et de tendre la main. Et si vous n'avez pas la force de le faire seul, je suis là pour vous aider.

Son regard change, et cette fois, je peux y lire des sentiments s'en échapper. La corde est encore sensible, malgré tous les désensibilisateurs qu'ils lui ont fait ingurgiter. Mais il ne me répond pas, et trop insister reviendrait à rompre ce fragile équilibre qui s'instaure entre nous. Il faut qu'il s'ouvre à moi, non qu'il se referme. Il est temps de détourner l'attention !

- Tiens, qu'elle est cette chose que vous avez dans votre poche ? Un livre ? Je ne crois pas en avoir vu depuis que je suis toute petite !

Il baisse la tête, comme étonné de l'avoir sur lui. Avec une beaucoup de précautions, il prend le petit objet et en caresse la couverture, amoureusement. Mais il ne le feuillette pas, le laissant clos, comme une sainte relique dans son coffre doré. Le message est clair, il ne veut pas que j'empiète sur son histoire. Bien... Il est donc temps d'utiliser mon joker !

- Bon... Visiblement, ce n'est pas aujourd'hui que vous allez changer d'avis. Vous avez encore besoin de temps, et ça se comprend. Si vous avez besoin de quoi que ce soit... je serai là. Hum... je vois mon collègue arriver, je vais devoir vous laisser. Oh ! Et j'oubliais presque... Tenez c'est pour vous ! Alors, ce n'est ni le monde, ni ces cendres, juste un simple cadeau. J'ai pensé... je pense que ça pourrait vous faire plaisir.


________________ Alex__________________


Cette petite curieuse se décide enfin à me donner l'objet, que je crains et convoite à la fois depuis que je l'ai entrevu. Mais à présent qu'il est entre mes mains, je n'ose regarder ce qui s'y cache.

- Eh bien alors... qu'attendez vous ?

J'en épluche donc les couches successives, habilement entassées. Et au cœur de celle-ci, se cache un... Oui, c'est bien ça, un citron ! De petits fils rouges et bleus parcourent la surface de l'agrume. Je fronce les sourcils, déçu. Y a-t-il un sens caché derrière tout ça ?

- Oui je sais, la forme n'est pas des plus judicieuses, mais que voulez-vous ? C'est la seule solution que j'ai trouvée pour la faire sortir des locaux sans me faire pincer. Vous la reconnaissez ? C'est votre chère Alette !

- Alette ?! Mais...

Je retourne l'agrume et remarque tout un système élaboré, utilisant le fruit comme pile électrique ! Je reconnais de suite son œil unique, agrafé adroitement, palpitant fébrilement tel un oiseau à l'agonie.

- J'ai aussi pensé à utiliser une patate... mais le jaune est une couleur bien plus joyeuse. Bon, par contre, elle ne doit plus avoir beaucoup d'autonomie, la pauvre. Si j'étais vous, je volerais a son secours en la branchant sur le secteur.

- Mais... Mais vous êtes folle ! Alette, tiens bon !


_________________Louise_________________


Alexandre semble beaucoup apprécier mon cadeau, et il réagit enfin "positivement" ! Car, sans attendre, il utilise un petit drone pour se tracter rapidement vers une borne énergétique. Je le suis à la trace, faisant signe à Michal d'attendre encore un peu. Alexandre est complètement paniqué, bien loin du légume présenté dans les enregistrements. Ravie que mon plan fonctionne, je lui souris.

- Je pense revenir demain.

- Ne vous approchez plus jamais de moi ! Je ne veux plus vous voir !

- Au même endroit ? Ok. Je vous présenterai Jin.

- JIN ?!

________________ Alex__________________


Alette m'échappe de la main et s'envole doucement vers d'autres cieux. Mon sang n'a fait qu'un tour à l’énonciation de ce prénom. Me reviennent alors en tête, le moment fatidique ou ma vie a profondément changé, peu de temps avant que l'Orcha ne m'apprenne la mort de ma femme :" Tout ce que tu as à faire, c'est me promettre une chose [...] Que rien ni personne ne t'empêchera d'aller dans l'espace [...] Quelqu'un se mettra en travers de ton chemin, et ce quelqu'un se nomme JIN."

- Jin ?... Qui est ce Jin ?!!!

- J'ai piqué votre curiosité ! Bien ! À demain alors. En attendant, occupez-vous bien d'Alette ! C'est une charmante IA, ça serait fort dommage de la perdre.

Elle s'en va comme elle est venue, flottant présomptueusement, m'abandonnant avec cet étrange arrière-gout : elle a versé sur mes plaies son jus amer, reconnectant par cet électrochoc mon esprit à mon corps. Je n'arrive pas à lui en vouloir malgré la fureur qui me tenaille.
Est-ce contre moi-même que j’enrage ?



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Edit / Merci à FM pour sa relecture ;)
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3/27/2015

Chapitre 17

Tout ce qui est possible 
(partie 1)



Quand je serais plus grand, je serais cosmonaute !
Quand tu sera plus grand, tu sera fidèle à mon image.




Rapport journalier n° 15400 
Message archivé, émis depuis la station Space Equator :
[...] Une furtive aspérité s'enflamme, et brille tel une étoile en perçant l'épaisseur de l'air. Mais le film est inversé. Non, elle ne tombe pas sur terre, au contraire, elle s'élève, s’affranchissant de toute gravité. Plus de haut, plus de bas, rien ne doit arrêter sa course folle. 
Rapidement elle s'approche, et finalement l'image plus net, je m'aperçois que ce n'est pas un débris mais bien une jeune femme. Ses cheveux sont d'un noir profond, alors que ses vêtements sont uniformément blancs. Elle tient fermement une petite boite carrée sous son bras droit. J'ai peur de ce qui pourrait y avoir dans celle-ci. Tous les maux de la terre ? 
Fin du message....


Louise est en colère. Tout devait se passer merveilleusement, elle a tout fait pour ! On lui a accordé la moindre de ses petites volontés, tant qu'elle remédie au sombre problème qui plane au-dessus de la mission Alpha-Discovery. Perché à plus de 100 km, l'une des plus belles suites du palace de l'espace, va lui servir de prison dorée durant quelques nuits. On lui a également réservé une place au restaurant le plus chic de toute la planète, ou l'on peut picorer en totale apesanteur.
Pour l’occasion, elle s'est même acheté une robe de soirée... c'est dire ! Le genre de vêtement qu'elle n'a jamais encore osé porter.

Mais les perspectives de ce cadre idyllique sont balayées d'un coup d'aile, par la personne qui se trouve à côté d'elle... ou plutôt contre elle.

Michal-Uriel de La Serraz est le cadet d'une famille qui a eu "l'opportunité" d'avoir plus d'un enfant. Sachant qu'aujourd'hui, un seul enfant par famille est autorisé, il est donc superflu de préciser que le petit Michal est né avec une cuillère en or dans le bec. Ses parents l'ont sélectionné spécialement pour être un chef-d’œuvre en toute chose... que son faciès sculptural face tomber le monde à ses genoux, que sa voix suave envoûte les cœurs les plus dure, que sa main virtuose surpasse celle des grands maîtres, et que son esprit innovateur lui ouvre toutes les portes.

Enfant, il fut le plus aimé, et le plus pourri-gâté de tous les enfants, tant sa bouille d'ange était irrésistible. Mais c'est vers l'adolescente que les choses se sont corsés. Ses parents ont même essayé de faire marcher l’assurance qu'ils avaient prise avant sa conception, intitulée :"Si votre enfant conforme et approuvé, n'est pas comme vous l'avez rêvé". Mais les petites lignes en bas du contrat, spécifiaient bien que l'entreprise de sélection génétique pouvait maîtriser l'inné, mais qu’ils ne pouvaient pas se porter garant sur les conséquences de l'acquis... car oui, s'ils voulaient un enfant prodige et docile à la fois, c'est vers un robot préprogrammé qu'aurait dû aller leur investissement !


Michal-Uriel était donc un Ado bourré de qualités durement acquise et très variées, toutes aussi attachantes les unes que les autres : narcissique, obtus, fainéant, indiscipliné, vicieux, contestataire, indifférent...
Il ne daigne même pas utiliser les dons que sa marraine la bonne fée de la génétique lui a donnés, comme ultime bravade contre ses parents. Il est le seul maître de son destin.
Il ne brille donc pas par la spectaculaire beauté de ses toiles, mais par son impertinente réussite dans la création d’intelligences artificielles. Une autre forme d'art me direz-vous... car tout créateurs est un artiste dans son domaine.
Adieux donc l'artiste qui sort pour reproduire le grand air, aiguisant sont regard à imiter d'une main légère ce qu'il voit. Et bienvenue le tin flétri à force de vivre dans les tréfonds d'un sombre bureau, pendant que les yeux s'usent devant des lumières virtuelles, et que les doigts pianotes machinalement sur un clavier. Mais il y a une chose que l'on ne peut lui reprocher, c'est qu'il aime son travail, et qu'il le fait bien... tout comme Louise.

C'est peut être cette étrange ressemblance que la jeune femme supporte le moins. A peine avait-elle débarqué dans les locaux d'Al-Industry, qu'on l'avait assimilé à cet énergumène. Mais le pire fut leur première rencontre : Le jeune homme lui fit la cours dès ses premiers mots, et n’arrêta pas depuis, déterminé.
Et malheureusement pour Louise, se débarrasser ce cet individus est impossible, car si elle est la mère du corps des ERIs, Michal-Uriel est lui le père de la structure de leur esprits.

Le sous-directeur Han ne l'a pas envoyé avec elle par hasard ! Il sait bien qu'il n'y a que ce jeune fou de Michal-Uriel pour réussir à dompter la tigresse. Quoi qu'il en soit, il n'est pas le seul à se presser à côté d'elle.

- C'est quoi cette foule ! D'habitude cette station est à peine fréquentée. Oh non... dites-moi que je rêve...

- Rooh, si ce n’est pas beau ma bichette ! Les téléporteurs sont en panne ! On va devoir utiliser la bonne vieille méthode du transport en commun !!!

- Mais comment ça se fait ?!!! Pourquoi il y a autant de monde... et personne ne t'a permis de m’appeler "bichette", Ok ?!!!

- Ok ma lapinette ! Eh bien, ma visière informative indique que c'est à cause d'un certain événement. Il semblerait que les téléporteurs soient saturés par la masse de journalistes qui veulent interroger le seul survivant.

- Le seul survivant de quoi ?

- Mais voyons mon p'tit oiseau en sucre... il faut te tenir au courant un peu. Selon SNI, c'est une mission spatiale qui avait pour but la recherche et l'extraction d'éléments rares sur Dionysos.

L'information ne perturbe pas plus que ça la jeune femme. Pourtant celle-ci bouillonne les poings serrés, pour finalement exploser. Déjà les gens qui les entourent les prennent pour un petit couple en pleine crise.

- ARRÊTE AVEC CA !!! 

- Quoi ? Je n'ai pas le droit de te reprocher "insidieusement" de t'être désabonné à "Swallow News Info" ? Ce n'est pas de ma faute si tu veux rester imperméable à tout ce qui t'entour, ma savoureuse loukoum.

- Graaaah TAIS-TOI ! Tu me suis et tu la ferme !

- D'accord, ma Louisette de nuit.


Rapport journalier n° 15452 
Message archivé, émis depuis la station Space Equator : 
[...] Encore cette aspérité qui s'enflamme, et brille tel une étoile en perçant l'épaisseur de l'air. Et le film est encore inversé. Comme la dernière fois, elle s'élève depuis la terre, s’affranchissant de toute gravité. Plus de haut, plus de bas, doutes directions est vaine, car seule la lumière trace son chemin. 
Rapidement elle s'approche, et de nouveau je m'aperçois qu'en fait c'est une jeune femme. Ses cheveux sont d'un excentrique bleu cette fois, alors que ses vêtements sont noirs d'encre. Elle tient fermement une boite cylindrique sous son bras droit. On dirait une urne funéraire... Mais étrangement cette foi je n'ai pas peur, au contraire... je suis soulagé. 
Fin du message....


Bien sanglé dans l’ascenseur, Louise profite d'avoir été placé bien loin de cette raclure de Michalu, pour admirer le spectacle. Ils ont réussi à prendre un téléporteur puis leur billet en partance depuis le Congo (l'un des cinq ports sur terre) vers l'anneau spatial "Space Equator"... ou un grand dépressif à retardement les attendent. L'ascenseur fuse à une vitesse vertigineuse ! Les paliers se perdent, ne devenant plus qu'une masse floue. Le sol devient le terrain de jeu des fourmis, les nuages une étendu de moutons de poussière, puis au loin apparaît la marche de la nuit, dessiné de façon tellement manichéenne. Leur voyage aura duré à peine 2h, deux merveilleuses heures sans cet affreux pot-de-col, pendant lesquelles elle a élaboré un plan pour s'en débarrasser.

Rapidement, et grâce à sa petite taille, elle se faufile entre les personnes qui sortent de l’ascenseur. Arrivé au dépôt de bagages, elle récupère de dans sa valise, un cadeau qu'elle a confectionné avec soin, le démontre le magnifique nœud qui le surplombe. Son objectif final: se barrer avec l'objet avant que l'horrible Michalu ne rapplique.
Mais si elle a le don de se faufiler, Michal lui a su la voir au loin grâce à sa taille. Il l'attrape par derrière, la serrant fort contre lui pour qu'elle ne lui échappe encore une fois.

- Roooh ma perle des caraïbes... Alors comme ça tu es partie devant pour me faire cette surprise ! Si ce n’est pas mignon... J'suis tout excité maintenant !!! Bon par contre niveau discrétion, t'a un zéro d'office ! Il faudra t'exercer avant la demande en mariage ! La dernière fois au bureau, tu avais fait un meilleur score... j'ai mis plus de vingt minutes à te retrouver. Mais j'te pardonne, l'esquive n'a jamais été ton fort... bon et puis les lieux te sont moins familiers. 

Ne desserrant pas son étreinte, Louise baisse la tête en un souffle. Le plus simple serait peut-être de confirmer ses propres inepties pour mieux le berner ? Qui sait, ça pourrait fonctionner...

- Tsss... Tu marques un point. Je voulais fêter notre première escapade en amoureux, mais c'est raté. Enfin mon chou, j'espère que tu as toi aussi pensé à un petit quelque chose ? Ce n'est pas tous les jours qu'on peut batifoler dans l'espace.

Louise ponctue sa phrase par un affectueux sourire. Le cadeau ne lui est pas le moins du monde destiné, bien entendu. Mais le laisser aller en chercher un en retour, serait une autre magnifique occasion pour s'éclipser.
La reposant sur le sol, il lui répond chaleureusement au coin de l'oreille, jouant avec les boucles de ses cheveux.

- Toujours !... Qu'est-ce que tu dis de ça : Après cette dure journée de travail à tenter de résonner un gars que tu connais ni d'Adan ni d'Eve, tu te diriges vers l’hôtel pour te reposer un peu. Et là, derrière la porte, surprise ! Le bel apollon que je suis, t'attend sur le canapé avec seulement sur lui, un de ces ridicules p'tits nœuds. Hein qu'il est beau mon cadeau ?!

- Oooooh toi alors ! Même pas en rêve !!! Ton cadeau j'le piétine !

Louise se débat et s'éloigne de lui, une belle grimasse de dégoût sur le visage. Michal-Uriel lui, est très satisfait du résultat.

- Ahaaah ma belle ! C'est tellement facile ! Désolé, je ne te donnerais l'opportunité de te substituer. Et pour le déballage de cadeau, ce n'est que partie remise... le boulot avant tout, ça fait partie de l'accord. Eh eh, aller je sais que t'es dingue de moi, avoue... Si je n'étais pas là, ta vie serait bien trop fade.

Ils reprennent alors leur chemin. C'est entre ses dents fermement serré qu'elle lui répond, frustrée de ne jamais réussir à avoir le dessus sur lui.

- Seulement en rêve malheureusement...

A la deuxième tentative, elle le sème en allant aux toilettes. Se cachant dans l'une des cabines pendant plus de 20 min, Louise pense l'avoir à l'usure. Mais c'est sans compter son audace : il va donc lui-même la chercher, en dépit des cris suraigus des femmes occupant les cabines voisines. Histoire de justifier sa présence et les calmer, il affirme soutenir activement son épouse dans sa constipation chronique.

A la troisième tentative, elle réussit à attirer l'attention d'une meute de journalistes. Elle les bouscule en leur disant de laisser passer "l'ultime rescapé de Dionysos". Ni une ni deux, ils sont tous deux encerclés par ces prédateurs en manque d'infos croustillantes. Mais contrairement à la précédente foule docile, ici impossible de se faufiler : C'est un échec cuisant tonné par les rires incessants de Michal, plus qu'amusé de cette soudaine popularité.

La quatrième tentative échoue au sein du dernier anneau de Space Equator, propulsé à plus de 10.000 km/h afin de permettre l'effet "gravité zéro". Arrivé là-bas, on leur donne de strictes directives : Pas de gestes brusques, se déplacer lentement... etc. Car, une fois qu'un corps est lancé dans l'espace, plus rien ne peut l’arrêter ? C'est du moins ce que test Louise à ses dépens, en se propulsant de toute ses forces, loin de son oppresseur. Au début tout allais merveilleusement bien, euphorique comme un petit oiseau qui sort de son nid pour la première fois. Mais le couloir n'est pas infini... et se termine par une immense porte, qu'elle se prend de plein fouet. 
C'est au final la pire de ses tentatives, qui lui déboîte l'épaule et lui  causse d'horribles douleurs.

C'est la tête complètement déconfite, que notre téméraire sauvageonne arrive devant le sas de décontamination, qui donne accès au Parc central. Elle a utilisé toute ses cartouches pour se débarrasser du Michalu, et elle est persuadé que son premier rendez-vous avec Alexandre va, par conséquent, mal se passer. Mais le futur est toujours fait d'imprévus, et c'est une salvatrice alarme qui se déclenche à leur entrée !

Prénom : Michal-Uriel
Nom : De La Serraz
Accréditation : Non autorisé dans ce secteur. Veuillez reculer.

- Ooooh OUIIIII !!!

Louise jubile ! "Sautant" partout, déluré comme un lâché de ballon rempli d’oxygène. Le parc est tout comme l’hôtel ou elle va séjourner : payant et à accès limité. Le tout lui a été payé dans un forfait spéciale, mais pas à Michal-Uriel. Le temps qu'il aille chercher son Pass, elle peut largement prendre la poudre d’escampette. Le jeune homme grimace à son tour... Là, aucun moyen de s'en sortir par quelques pirouettes. Se dirigeant vers l'une des bornes, il regarde du coin de l’œil la jeune femme s’envoler littéralement dans le parc.

L'heure de son rendez-vous avec Alexandre approche, et c'est bien plus sereine qu'elle se dirige à présent vers lui.


Rapport journalier n° 15580 
Message archivé, émis depuis la station Space Equator : 
[...] De nouveau cette chose qui s'enflamme, et brille comme un pulsar fou en perçant l'atmosphère. Et de nouveau, elle s'élève depuis notre planète, affranchie de toute gravité. L'envers de l'endroit n'existe plus, il y a juste son sillon qui délimite une frontière absurde. 
Rapidement elle se rapproche. Elle est presque la même que la dernière fois. Ses cheveux sont d'un excentrique bleu, et ses vêtements sont d'un blanc immaculé. Elle tient fermement un cadeau entre ses deux mains. Un cadeau... cela fait tellement longtemps que je n'en ai pas reçu... et tout ce chemin pour ça. Bien sûr, je lui souris, car je suis heureux. 
Fin du message....


2/10/2015

Chapitre 16

Tout ce qui n'a plus pied



Le vent d’autrefois

Il est minuit et demi
Le vinyle tourne
Toujours
Ce vent d’autrefois

Café, et encore du café
Ses yeux diamants
Inconscients
Ne se cachent jamais

L’encre des idées
A peine séchée
Et tout est repris
Tout est réécrit à nouveau

Le rythme de la basse
Coule à travers son corps
Comme du chocolat fondant
Dans la bouche veloutée
De celle qu’il aime

Jules Delavigne, 2006





Dans l'espace, personne ne vous entendra crier. Pourtant, sur Terre il suffit d'un bureau bien insonorisé pour étouffer les sombres magouilles qui se trament au sein d'Al-Industry. Les pièces se déplacent sur l’échiquier géant, certaines sont sacrifiées, alors que d'autres entrent en jeux, afin de servir le but ultime : celui de vaincre l'adversaire. Mais pour vaincre, il faut savoir changer de tactique, s'adapter pour surprendre l'autre. Et gare à ceux qui, dévorés par le jeu, se mettent à trébucher. Qui de la reine ou du fou subsistera ?

- Une réponse ? Vous souhaitez une réponse ?

- Non, je ne la souhaite pas je l'exige !

- Bien : il n'est pas encore prêt. Et arrêter son traitement le détruirai définitivement. C'est une bombe à retardement.

- C'est ce qu'on va voir... Alleron, faites-moi parvenir le dernier rapport envoyé par Alexandre MacEwen au docteur Sheehan.

- Comment osez-vous ?!!! Vous savez que je peux vous traîner devant la justice pour ça. En plus de piétiner le secret médical d'un patient envers son médecin, vous vous moquez de mon diagnostique ?!

- Oui, car vous n'avez pas tenu les délais et votre contrat auprès de notre société se révèle donc caduque. Vous ne nous êtes plus d'aucune utilité. Au revoir Mr Sheehan.

- Ça ne va pas se pa... bip bip bip.

- Pfff... Quel blaireau ! Vue le contrat qu'il a signé et la coquette somme qu'on lui a versé, il ose me parler de secret médical. Manquerait plus qu’en plus des investisseurs, il vienne lui aussi me chercher les poux. Bon, t'en es ou Alleron ?

- Oui monsieur, j'ai ce que vous cherchez.

- Et bien qu'est-ce que tu attends, balance !


Rapport journalier n° 15578 
Lecture du message émis depuis la station Space Equator :  
- Monsieur MacEwen, dites-moi ce que vous ressentez aujourd'hui.  
- S'que je ressens ? ... Vous voyez... Autrefois, je regardais le ciel avec envie, l'immensité de l'espace insufflant à mon âme, un incroyable sentiment de complétude. Je l'ai perdu. Aujourd'hui, mes yeux fixent la terre avec regret, sa face baignée dans l'obscurité, veinée de timides lumières. Je ne l'ai jamais comprise. Elle m’apparaît sous un autre angle... je suis tel l'amant du ciel qui s’aperçoit trop tard, que son cœur appartient en fait à la terre ferme. Elle me manque. Je me sens vide. Je ne suis plus qu'une particule en suspension, perdu quelque part entre ciel et terre.  
- Vous semblez retrouver un peu de lucidité, c'est bon signe. C'est que le processus d'adaptation à votre nouvelle situation fonctionne.  
- Mouai... C'est surtout que depuis quelques jours, votre drogue me fait moins d'effets.  
- Oui, j'ai demandé de baisser les doses.  
- Hum ! Cette salvatrice et satanée drogue ! Elle m'a volée mon deuil, et peut-être même mon suicide. Sa fourbe ambivalence a enseveli mon cerveau sous des doses massives de sérotonine, c'est ça ? Soit disant pour m'aider à supporter le décès de ma femme ? Mais je ne peux m'empêcher de croire que cette pilule m'a propulsée tout droit au purgatoire.  
- Au purgatoire ? Intéressant point de vue. Même si vous voyez cet endroit comme une forme de torture, ne vous apporte-t-il pas un calme, une réflexion et une qualité de soin dont vous n'auriez jamais pu rêver sur Terre ?  
- Oh certes le spectacle est magnifique vue d'ici... Mais ma prison tourne si rapidement, et se fiche bien du cycle des journées. Je suis déphasé. Je vois le soleil se lever plus de sept fois par jour. J'ai l'impression de me pétrifier un peu plus à chacun de ses regards... je deviens un vieux bloc de pierre insensible à l'érosion, et qui pourtant ne pense qu'aux jours de pluie. Je... Je n'ai pas pleuré une seule fois sa... sa mort depuis... depuis que tout a déraillé. Je n'y arrive pas... même la colère m'est interdite.  
- Vous réussissez pourtant à parler de sa mort, ce qui était impossible il y a quelques jours. Vous avez fait de grand progrès.  
- Non ! Vous vous trompez. Mon esprit le conçoit car il n'a pas le choix, et parce qu'il n'est que pure logique : Jamais plus je ne l’aurais près de moi. Mais mon cœur lui... est désorienté, déconnecté. Il flotte je ne sais ou, et j'ai peur de le retrouver... j'ai peur qu'il ne soit devenu trop lourd. 
- Mais pourtant, vous comprenez pourquoi nous avons dû vous mettre sous traitement Dion. Vous deveniez agressif pour votre entourage et surtout pour vous même.  
- Oui, mais je sais surtout qu'aujourd'hui un employé n'est plus rentable s'il est dépressif. Alors vous sortez de votre chapeau magique, vos remèdes miracles pour maquiller les stigmates. Tout le monde y trouve son compte, n'est-ce pas ? L’employé sourit de nouveau, l'entreprise continue ses bénéfices. Mais le pourquoi de la dépression, lui, il est toujours là. Jamais vous ne me guérirez de la mort de ma femme... pour la simple et bonne raison que ce n'est pas une maladie. Je sais... Je sais que ce n'est la faute de personne. Mais seul le temps peut guérir... n'est-ce pas ce qu'on dit ?  
- Oui Alexandre... Et... malheureusement le temps est un luxe qui ne vous est pas permit. Bien, je vous recontacte demain. En attendant, je vais essayer de négocier un peu plus de temps. Reposez-vous bien. 
Fin de la transmission....

Planté debout, les bars tendu, les poings serrés sur le bureau, l'homme analyse la situation. Puis il éclate, les bras valdinguant au-dessus de sa tête.

- Non mais je rêve... Qui a recommandé ce psy de pacotille Alleron ?! Depuis tout ce temps il le gavait de médoc pour devenir Poète ?! Pourquoi il n'y a pas eu un meilleur suivi ?! On ne lui a pas demandé de le transformer en machine cet Alexandre !!! Et pourquoi c'est toujours moi qui doit m’coltiner ce genre d’affaire ?...

La porte du bureau se met à clignoter. Quelqu'un attend de l'autre côté, et vue les courbes de la silhouette au travers de la vitre tintée, c'est une femme. L'Alleron présente l'inconnue caché.

- Mademoiselle Louise Renwal vous attend. Elle a demandé à vous voir. Cela semble urgent. 

- Urgent ?!!! Qu’est ce qui pourrait me tomber encore dessus ?! Dis-lui que ce n'est pas le moment !!! Je dois trouver une solution !

- Notez que le père de mademoiselle Renwal a contribué à l'élaboration de la pilule Dion. Elle pourra peut-être vous informer et vous donnez des pistes ?

- Mouais... mouais... Vous pouvez entrer Mademoiselle !

Une belle crinière bleue vient ébranler le blanc des murs aseptisés du bureau du sous-directeur. La jeune femme semble très en colère elle aussi. Bien aplomb sur ses petites jambes, elle s'étend en reproches auprès de l'homme déjà bien désespéré.

- Monsieur Han ! On m'a pressée comme un citron pour finir les ERIs dans les temps. Cela fait plusieurs jours que je me tape des nuits blanches à vérifier si les 700 méca sont opérationnels. Cela fait plusieurs mois que je leur fait passer des batteries de crash tests les plus tordues les unes que les autres, afin de les améliorer. Cela fait des années que je travaille sur l'ultime humain roboïde qui servira la noble cause de la conquête spatiale ! On a même commencé les tests d'intégration cérébrale des membres de l'équipage, avec sucés. Et là, on vient de m'informer de tout STOPPER pour le moment... d'ATTENDRE parce qu'UN MISÉRABLE EMPLOYÉ NE REPOND PAS PRESENT A L’APPELLE ?!!!
Donc : Vous seriez aimable de donner son nom, que je placarde sa face de rat dans tous les couloirs, avec la mention écrite "Wanted, dead or... dead !".

Rodolphe Han, ce fière et fringant sous-directeur, à toujours appréhendé cette jeune femme comme la pire tornade que l’entreprise ai pu accueillir, au sein de la terre promise d'Al-Industry. Le typhon bleu ! On ne pouvait pas reprocher à celle-ci d'hésiter sur la trajectoire à suivre, ni sur la qualité de ses performances. Non, le problème est tout autre : la demoiselle a tendance à emporter tout le monde dans son sillage, et nombre sont ceux qu'elle a fait valser bien loin. Mais pour Han, il n'est pas question d'essayer de se mettre en travers de son chemin, il n'est pas fou ! Par contre, influencer sa trajectoire semble dans ses cordes. Il l'invite à s’asseoir dans un premier temps, et s'humectant les lèvres, il tente une approche plus douce pour calmer la tempête.

- Il... hum... Mademoiselle Rewal...

- Appelez-moi Louise, tout le monde m’appelle Louise ici ! Vous ne le savez toujours pas ?!

- Très bien... Louise. Voyez-vous, l'homme que vous cherchez, il se trouve qu'il cuve sont mal-être comme un électron libre, perché en haut de la station Space Equator. Et selon les dires de son psy, il n'est pas encore prêt à retomber sur terre. Je vais être franc avec vous : on repousse la date limite des tests sur les ERIs, car cet homme est l'un des piliers du projet. Nous ne pouvons pas vous permettre d’intégrer son esprit dans un ERI vue son état psychologique, ce serait trop prématuré... Cela rendrait l'ERI défectueux.

- Ça, c'est à moi d'en juger ! Et puis quoi ?... C'est quoi ces histoires ?! Qu'est-ce qu'il a fait pour mériter qu'on l’expédie en dehors de la stratosphère ?!

- Il a perdu sa femme. Vous avez certainement entendu des bruits de couloirs à ce propos... ?

- Et vous, le premier truc qui vous vient en tête, c'est de l'envoyer loin la-bas ?! Seul et presque isolé de tout ! Tiens, et je paris que vous l'avez bourré au Dion !

- Attendez... Vous... vous avez écouté à ma porte ?!!!

- Impossible ! Au travers de votre porte tintée, je ne voyais que votre étrange danse de poulpe. Et puis je n'en ai pas besoin ! Je connais la maison depuis bien plus longtemps que vous. Ils ont essayé de faire pareil avec moi... mais pour d'autres raisons.

- Pourquoi ça ne m'étonne pas...

Pendant quelques instants, Rodolphe regrette cette dernière parole, au vue de l'expression statufiée de la jeune femme. Mais celle-ci ne l'écoute déjà plus. Rapidement perdue dans ses pensées, il lui vient en tête des plans pour résoudre ce fâcheux problème de timing. Son objectif : partir de cette misérable terre pour atteindre les étoiles, sauf qu'une infime partie de son équipage est déjà en orbite. Un petit sourire asymétrique vint pincer le bas de sa joue. Implacable en affaire, elle expose ses exigences.

- Si ce n'est pas misérable... Vous autres immortels, vous ne savez même plus ce qui manque le plus à une personne qui vient de perdre quelqu'un.

- Et vous avez la solution ? Non parce que si c’est le cas, vous avez carte blanche.

- Bien, on va pouvoir s'entendre dans ce cas : Je veux les accès complets à son Alette, et un voyage tous frais payés au SEP!

- Au quoi ? Space Equator Palace ? Impossible ! En plus, vous savez mieux que personne que les Alettes sont spéciales à chaque employé, car elles s'adaptent à leur structure neuronale. C'est infalsifiable.

La tornade bleu se relève doucement, prenant de la hauteur pour bien lui faire remarquer qui est en position de force.

- En une semaine, je vous le ramène. Et vous n'aurez plus à reporter l'échéance du départ. Ce sont vos supérieurs qui seront ravis... et ainsi vous arrêterez de torturer le bout de vos doigts.

Rien ne semble lui échapper ! Oui, malgré les nombreuses séances chez l'hypnotiseur, Rodolphe ne peut s'empêcher de se ronger les ongles, qui rapetissent de mois en mois.

- Bien, vous avez gagné... mais que rien de notre accord ne sorte de ce bureau ! Allez voir Luka, il vous donnera les accès. Et si vous échouez, je pourrirais personnellement vos perspectives de conquête spatiale. Car contrairement à Alexandre... vous, vous n'êtes pas indispensable au projet.

- Ne dit-on pas : Heureux les ignorants ?

Sur ses quelques mots, Louise se retourne, laissant le sous-directeur, bêtement planté dans son siège.